Dimanche soir, Stephan Eicher terminait en beauté sa résidence à la Cigale pour célébrer son nouvel album, Ode. On vous raconte cette suite de moments d’émotion et de joie, autour d’une table et entre amis.
Pour la sortie de son dernier album, Ode, Stephan Eicher a réservé la Cigale pendant 6 soirées, toutes sold out ou presque, et il est difficile de ne pas applaudir ce choix de ne pas bâcler tout ça en une seule fois et en un Zénith glacial. On sera évidemment un peu moins enthousiaste quant à la décision de mettre des sièges dans cette belle salle pourtant si propice aux effusions rock’n’roll, mais l’âge moyen du public justifie sans doute cette mesure qui nous désole. Et puis il y a le fait qu’Eicher ne joue pas toujours que du rock, mais adopte aussi le format de la chanson plus traditionnelle, pour laquelle on a quant à nous plus de patience qu’à l’habitude, grâce aux textes impeccables de Philippe Djian.
20h05 : Sur scène, un décor inhabituel, original : une grande table avec des bougies, des verres de vin, comme pour un repas entre amis. Derrière, des armoires, toutes fermées, dont une qui s’ouvre pour laisser entrer les musiciens, qui s’assoient autour de la table. Ils sont trois à accompagner Stephan Eicher, un guitariste (occasionnellement bassiste et responsable des percussions), un pianiste, et une jeune femme à la harpe.
Le concert est consacré au nouvel album, pas de surprise donc qu’il s’ouvre, comme Ode, sur Sans Contact ; il se refermera sur Eclaircie, et 10 titres sur les 12 seront interprétés, dommage pour ceux qui ne l’ont pas encore écouté ! Le son, excellent comme toujours à la Cigale, met la voix de Stephan en valeur, mais saura se faire plus puissant lorsque le groupe montera dans les tours, même dans une configuration que l’on peut qualifier de semi-acoustique, comme sur le Plus Léger au Monde, qui, comme sur l’album, décolle dans sa dernière partie en célébration de l’électricité et du Rock’n’Roll. Le premier vrai moment d’intensité naîtra avec l’électrique – et peu connu – Dans Tous les Bars (Eh, Stephan ! Pourquoi ne pas nous offrir un jour un vrai set rock, bruitiste et extrémiste ? Souviens-toi de tes débuts dans les années 80, beaucoup plus expérimentaux !). S’ensuit néanmoins une rupture bouleversante avec Prisonnière, l’un des grands titres du chef d’œuvre Homeless Songs.
Stephan aime agrémenter son set de plaisanteries et d’un dialogue mi-figue, mi-raisin avec le public. Bon, l’humour bernois ne saurait concurrencer l’humour anglais, mais nul n’est responsable de son lieu d’origine, après tout. On aura bien apprécié, même si ça n’a peut-être pas été du goût de tout le monde, quand Eicher interrompra le refrain de Pas d’Ami Comme Toi et son « Non, non, non ! » pour moquer le goût immodéré des Français pour le mot « Non » (une référence claire aux manifestations anti-réforme des retraites et anti-Macron, réélu pourtant sur son même programme…) ! Ou, dans un registre moins polémique, quand il se chicanera avec son jurassien de guitariste. Ou encore, à la fin du concert, quand il nous fera des tours de « mentaliste » (ou de menteur, plutôt).
Des Hauts et des Bas, seul extrait ce soir du magnifique Carcassonne, bénéficie du remplacement des guitares électriques et de la batterie originale, très années 80, par le piano et la harpe qui lui confèrent une légèreté bienvenue… un peu gâchée par l’habitude si française, et tellement déplacée, du public qui frappe dans ses mains – généralement à contre-temps ! – pour exprimer sa satisfaction. La mélodie du vieux, vieux tube, Combien de Temps, est entamée sur les verres de vins. Les coffres du décor s’ouvrent enfin, dévoilant un beau fatras d’automates musicaux, une boule à facettes et une sorte de décor blanc indiscernable (une ville blanche ?).
Sur le final de Rêverie, s’élève la menace, répétée avec de plus en plus de force : « C’est un chant militaire qu’on entend monter, si bien qu’on doit faire attention ! », on se dit que, même si ce n’est pas leur créneau habituel, Djian et Eicher devraient bien ainsi monter plus souvent au créneau contre la bête immonde. Sur 1000 vies, c’est le pianiste qui se met à la batterie pour l’envol final du morceau, et avec Doux Dos, son allitération maline, sa guitare très électrique et sa batterie, on entre dans la dernière partie du set, plus enlevée, plus rock. Eicher se lève enfin de sa chaise pour le très fort Autour de ton Cou… mais c’est pour se rasseoir dès qu’on lui rapporte sa guitare accordée !
Stephan, qui nous expliquera que « le monde est si merdique qu’il faut des magiciens ! », nous fait une bonne blague de mentaliste pour lancer son évident et incontournable Déjeuner en Paix, après un court clin d’œil à ses débuts punks dans Grauzone (Eisbär, nous semble-t-il…) : après une intro à la harpe (jouée par une jeune femme qui n’était pas encore née quand la chanson a été composée…), c’est une version très rock qui nous est offerte. L’enthousiasme est général, on peut enfin se lever et courir vers la scène pour assister à la fin du concert dans des conditions plus appropriées !
Un seul couplet de Ce Qui Me Peine, à la demande d’une spectatrice, et le set se boucle sur Tu Ne Me Dois Rien (avec un « tour de magie » malin qui permet de coordonner les sonneries des minuteurs des smartphones du public avec le break de la chanson !), puis avec le retour à la lumière, l’envol d’Eclaircie…
Pour le rappel, en bonus, Stephan nous offrira la surprise du délicieux Né un Ver, avant la valse sombre de Djian’s Waltz, qui prouve qu’on ne saurait clore cette heure quarante d’émotion sur une note trop positive.
« Les imbéciles se trompent / Et les autres font pire / … / Il n’y a rien à répondre / Il n’y a plus rien à dire… » : pas de happy end en 2023…
Texte et photos : Eric Debarnot
Bonjour, est il pertinent que Stephan Eicher se moque d’un grand nombre de français qui disent NON à la réforme actuelle des retraites imposée par le gouvernement ? Je ne le crois pas ! Sauf si c’est à prendre au trosième degré et encore ! A l’artiste de s’expliquer…
D’autre part ce n’est pas parce que Macron a été élu en connaissance de son programme que l’on ne peut pas contester ses réformes antisociales et régressives pour beaucoup de citoyens. La rue est tout aussi importante que son élection pour la démocratie. N’en déplaise à certains.
Signée par une retraitée solidaire des manifestants sur ce sujet et parmi d’autres.
On ne va pas entrer dans une polémique sur les retraites ici, et laisser Stéphan dire ce qu’il veut, ce qui est parfaitement son droit. Il remarquait, à juste titre selon moi, que les Français disent toujours non à tout, et il illustrait son observation en prenant l’exemple d’un président pour lequel les Français ont voté et auquel ils disent NON immédiatement après, c’est tout. Je ne pense pas que Stephan Eicher prétende avoir la moindre opinion sur la politique française, le régime des retraites en France.
Bien sûr que nous ne sommes pas ici pour polémiquer sur les retraites mais il en a parlé,vous l’avez indiqué, et vous avez donné votre avis. Eh bien moi qui ai aussi assisté à son concert vendredi dernier et en tant que lecteur de votre compte rendu je donne le mien.
De plus Il est inexact d’écrire que « les francais disent toujours non à tout ». Enfin il me semble tout à fait logique que beaucoup d’électeurs qui n’ont pas voté pour Macron et une partie de ceux qui se sont abstenus manifestent contre cette mauvaise réforme car injuste. Je pense qu’il faut faire du discernement tant ce sujet est compliqué.